Ca peut aussi vous arriver
Hier soir, après un diner fort sympathique avec mes amis du club de sport (oui, il paraît que je fais du sport), je marchais tranquillement dans la rue quand je sentis une forte envie d'aller au petit coin. Je glissai un "Oh, j'ai trop envie d'aller faire pipi. J'aurai du y aller avant de quitter le resto" à une amie qui rejoignait sa voiture.
A peine étais-je assise dans la mienne que l'envie reprit de plus belle. Je me dis intérieurement que j'étais bien capable de me retenir jusqu'à ce que j'arrive chez moi. J'ai mis la musique à fond dans le but de penser à autre chose. Chanter et imaginer faire les mêmes pas que le roi de la pop, ça aide, en théorie.
Ma vessie n'est pas mon amie et elle se manifesta de plus en plus fort tout au long du chemin. J'ai commencé à me tortiller et me dandiner sur mon siège, arnachée par la ceinture de sécurité. J'ai maudit les feux rouges. C'est fou comme les minutes passent lentement quand on a une envie pressante, et il faut s'agripper fort au volant pour contracter tous les muscles du corps.
A force de contractions, j'en ai eu un mini-orgasme. A 90 km/heure, c'est assez impressionnant. Cette courte joie passée, l'envie est revenue, insidieuse et agressive. La théorie du Moltonel® indique que la résistance à la pression diminue proportionnellement à la distance parcourue entre x et x1 tel qu'expliqué dans le graphique ci-après :
x = parking du restaurant, x 1 = mes toilettes, ces deux données changeant à l'infini (rayon boucherie > toilettes du supermarché, salle d'entretien d'embauche > pipiroom du cabinet de recrutement, plage bondée > petit coin discret entre les rochers ...)
Grâce à cette théorie que j'ai pu vérifier tout au long de ma vie par de multiples expériences concrètes, je sais qu'il faut arriver au plus vite à destination et ne surtout pas trainer une fois que la voiture est garée.
Encore faut-il pouvoir se garer. Et là, aussi scientifique que puisse être cette théorie, elle n'explique pas pourquoi le bip de mon garage n'a pas fonctionné hier soir à 23h32. En effet, à l'approche de la porte du garage, j'ai saisi mon bip d'une main, ai tiré le frein à main de l'autre et me cramponnai toujours avec la troisième (je sais pas d'où elle est sortie mais dans un cas de panique comme celui-ci, on ne se pose pas trop de questions). J'appuyai maladroitement sur le bouton du bip qui ne voulait rien savoir, tout en essayant de chanter très fort pour penser à autre chose. Par le truchement d'un mouvement non maîtrisé, ma voiture a calé. Une onde de panique a parcouru tout mon corps qui se tordait.
Je me suis vue dans la pénombre de ma voiture arrêtée, tous feux allumés, les yeux exorbités, le visage en proie à de sévères rictus, prenant de profondes respirations, criant "beat it, beat it", certains doigts crispés sur le volant, les autres s'agitant sur le bip et le tapant contre le tableau de bord pour essayer de repositionner une pile sûrement déjà morte à l'intérieur. La pression s'est réduite un court instant, juste le temps de reprendre mon sang-froid, de faire une marche arrière et de rouler en direction du parking extérieur.
L'expérience était loin d'être finie. Je n'avais pas éteint le moteur que l'envie m'a reprise encore plus fort que les minutes précédentes. A près de 30 ans, j'ai passé l'âge de me faire pipi dessus. Il était hors de question que je vive avec une expérience pareille le restant de mes jours. Je refusai l'incontinence et les mauvaises odeurs dans ma voiture. Sachant que je raconte toujours tout, je ne voulais pas avoir à raconter une honte comme celle-là. J'ai contracté encore et encore tous les muscles de mon périnée en gigotant dans la voiture. Puis j'ai enlevé la clé de contact, ai réussi à ranger l'auto-radio et à éteindre les phares. Je n'avais plus que quelques mètres à parcourir. J'ai pris une grande respiration en me disant intérieurement "tu n'as pas envie, tu n'as pas envie, tu n'as pas envie". La méthode Coué a parfaitement fonctionné puisque la pression a diminué, que j'ai pu fermé ma voiture tranquillement, prendre l'ascenseur comme si de rien n'était et gagner enfin le coin bénit.
Je n'étais pas peu fière de moi une fois que tout fut terminé. Cette malheureuse histoire m'a permis de prendre une grande décision: je dois changer les piles de mon bip.